Au plancher de coulée

Des dizaines de travailleurs, de toutes qualifications confondues, étaient affectés aux hauts fourneaux. Mais de tous, c'étaient les fondeurs et leurs aides qui étaient aux premières loges. Les journées au plancher étaient rythmées par les coulées et le travail de préparation qui précédait chacune d'elles. Il fallait retirer les machefers des routes de coulée que l'on devait ensuite regarnir avec un lit de sable. Puis venait le débouchage du trou de coulée et la coulée elle-même dans un foisonnement de gerbes d'étincelles et une chaleur infernale. Telle de la lave, et dans un bruit de torrent, la fonte emplissait la rigole et se précipitait dans le wagon poche qui avait été amené sous le plancher. Passant sans cesse du froid à la fournaise en hiver et luttant contre la chaleur étouffante en été, en plus de respirer les poussières et les fumées ou subir le rayonnement intense de la fonte en fusion, ces hommes avaient souvent la vie dure : le haut fourneau est un outil capricieux et délicat à conduire. Ce qui fonctionnait bien un jour, pouvait s'avérer être une calamité le lendemain. Pas de répit pour ces engins : une fois allumés, ils fonctionnaient 24 heures sur 24 et pratiquement 365 jours sur 365. ils ne s'arrêtaient qu'en cas de panne, de réparation ou de grève, et encore, le feu couvait dans la cuve : il suffisait de souffler à nouveau de l'air chaud et le cycle recommençait. Les seuls vrais arrêts étaient motivés par le remplacement du revêtement réfractaire de la cuve ou bien la mort. Tel fut le cas des hauts fourneaux 1 & 2 en 1991, après 82 ans de carrière... Aujourd'hui, il n'y a plus de coulées, de gerbes d'étincelles, de chaleur ni de vacarme. Rien que le silence...

 
     
   
     
   
     
   
     
   
     
 
 
     
 
 
     
   
     
   
     
   
     
   
     
   
     
   
     
   
     
   
     
 
 
     
 
 
     
   
     
   
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
 
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