Eurofonderie à Gembloux, voyage dans la tourmente de la mondialisation

 

 
     
   
     
     
 
Autrefois, cette usine faisait partie de l'entreprise Mélotte, fabricant de matériel agricole. En 1976, le groupe Lucas-Girling, multinationale britannique spécialisée dans la fabrication de systèmes de freinage pour l'industrie automobile, rachète l'usine. Pratiquement sans transition, les travailleurs passent de la fabrication de pièces de charrues à l'ère de l'automobile. Les débuts dans ce nouveau monde sont difficiles, mais la multinationale injecte à plusieurs reprises de l'argent frais pour que la vieille entreprise gembloutoise se maintienne. En 1990, ces problèmes ne sont plus qu'un mauvais souvenir et la presse de l'époque prédit à Eurofonderie des lendemains qui chantent. Ce d'autant plus que des investissements de pointe ont été réalisés. Vingt ans après, ces prédictions se sont-elles avérées ? Eurofonderie est-elle toujours un des fleurons de ce grand groupe multinational ?
 
     
     
   
     
     
 
 
     
     
 
Février 2011, Le bruit des pigeons qui s'envolent dès que l'on s'approche, et celui des voitures qui passent dans la rue d'à côté ont remplacés les bruits industriels. A la poussière d'autrefois qui tapissait le sol, s'est substituée une boue tenace qui colle au pieds. Les vitrages des toitures dessinent de jolis reflets dans les flaques d'eau qui stagnent sur la boue. L'endroit est désert et un projet de démolition s'élabore. Les jours d'Eurofonderie sont comptés... 1990 et les lendemains qui chantent sont bien loin. Mais que s'est-il passé entre temps ? Dans les greniers des souvenirs dort une histoire fraîche et lointaine à la fois. Elle ne demande qu'à être réveillée.
 
     
   
     
     
 
 
     
     
   
     
     
   
     
     
 

Comme une baffe...

Lundi 17 octobre 1994. La nouvelle tombe brutale et implacable : Eurofonderie va fermer et les 225 travailleurs qui y sont encore occupés vont perdre leur emploi. Certes, une restructuration avait déjà eu lieu en 1993, provoquant le départ de près d'une moitié d'entre eux. Mais depuis, on leur serinait que tout baignait dans l'huile et qu'au vu des bénéfices dégagés, le plus dur était derrière. C'est vrai qu'ils avaient fait de nombreux efforts et que la productivité, déjà élevée, s'était encore améliorée. Pourtant, et dans le plus grand secret, les dirigeants mettaient au point le plan de fermeture d'Eurofonderie et la cession à la sous-traitance de sa production. C'est le dernier conseil d'administration qui vient de décider de liquider l'usine de Gembloux et ce sans aucune procédure préalable d'information des travailleurs. Impuissants, ils prennent cette nouvelle comme une baffe en pleine figure...

 
     
     
 
 
     
     
   
     
     
 
 
     
     
   
     
     
 
 
     
     
 

Usine occupée...

Tout le personnel est rassemblé dans le grand hall. Discours syndicaux, expressions de colère. A l'unanimité, on décide d'occuper l'usine. Une tournante est organisée. Rien ne sortira plus des ateliers. Les travailleurs détiennent un trésor de guerre, les stocks et l'outillage. Ils comptent bien garder la main dessus jusqu'au moment où ils seront arrivés à leurs fins : empêcher la fermeture d'Eurofonderie. Malgré la détermination et les effets positifs du sentiment de solidarité, la détresse est prégnante. Tous ou presque ont une longue histoire commune avec leur entreprise. Sylvain y a accompli toute sa carrière professionnelle, entré en 1964, à l'âge de 14 ans, lorsque l'usine s'appelait encore "Charrues Mélotte". Félix, quant à lui, est entré à Eurofonderie beaucoup plus tard. Il en est désormais à sa troisième fermeture. Et puis, il y a ce contremaître qui constate avec amertume que performances techniques ne riment pas avec pérennité. Pourtant, le passage de la banale fonte grise à la fonte modulaire, dite «à graphite sphéroïdal», garantissait à l'entreprise de se trouver dans le peloton de tête en répondant aux exigences des constructeurs automobiles.